Cette page concerne les actions locales du projet Regards d'Europe Croisé.
Reportage vidéo sur les traditions et coutumes d'Olténie par le CZEA (Roumanie) : voir la vidéo ci-dessous
Entretien audio retranscrit avec une confrérie traditionnelle vinicole de Chinon par l'association Kastalia (France) :
Jean Méré, de la Confrérie des Bons Entonneurs Rabelaisiens nous a accordé un entretien aux caves painctes de Chinon, en Touraine. La Confrérie des Bons Entonneurs Rabelaisiens entend tout à la fois perpétuer l'enseignement de son maître spirituel, François Rabelais, humaniste et truculent écrivain de la joie de vivre, et aussi célébrer les vertus du vin de Chinon dont chaque dignitaire se veut d'être l'ambassadeur passionné.
Kastalia :M. Méré, pourriez-vous nous parler de la naissance de votre confrérie, dire quelques mots sur l’histoire et l’esprit de votre association ? Jean Méré : La confrérie des bons entonneurs rabelaisiens a été fondée en 1961 à l’initiative de plusieurs jeunes vignerons de l’époque. Il fallait trouver un local et là nous avons un local prestigieux, qui est le local des caves painctes de Chinon. C’est un lieu chargé d’histoire. Il se trouve sous le château, sous le fort Saint-Georges exactement. C’est un ensemble de grandes salles, tout à fait remarquables, qui au départ étaient à l’état brut et qui au fil des ans ont été aménagées. Il y a eu des travaux très importants et comme nous y recevons beaucoup de visiteurs et d’auditeurs il a fallu satisfaire à toutes les exigences de sécurité. Cela c’est la partie matérielle. Au départ, il convenait donc choisir tout naturellement comme référence François Rabelais. Ce personnage est vraiment pour nous un monde. Il a un impact très fort sur cette région, puisqu’on l’appelle même la rabelaisie, le pays de Rabelais. François Rabelais serait donc né en 1494 à la Devinière, qui était une ferme et qui se trouve à quelques kilomètres de Chinon. Son père était un personnage important à Chinon. Il était avocat et avait également d’autres fonction. Rabelais accompagnait souvent son père, qui avait sa propre cave dans ce lieu, dans ses déplacements. Il a été marqué très jeune par le lieu où il vivait. La confrérie est installée dans un lieu historique, donc, où Rabelais est passé et son père en particulier. Les situations d’ensemble, géographiques, sont importantes, avec la vigne qui occupe une place remarquable. L’histoire de la vigne est très ancienne. Elle a commencé vraisemblablement lors de l’occupation romaine. L’histoire du vin est donc ici très importante et Rabelais a toujours relevé cette liaison entre la terre, le vin et les hommes.
K. :Pourriez-vous nous parler des activités de la confrérie ? J. M. : A titre indicatif, la presse pense que nous sommes la deuxième confrérie nationale après la Confrérie des Chevaliers du Tastevin de Bourgogne. Le message de notre confrérie passe à travers des entretiens, comme aujourd’hui, par des cérémonies rituelles, où nous réalisons les chapitres, les intronisations, et ces chapitres, dont je peux vous donner un extrait, mettent justement en valeur ce message rabelaisien et puis aussi le vin. Nous considérons que le vin est une chose sacrée. : « Vin tant divin, loin de toi est forclose Toute menterie et toute tromperie Ô bouteille, la tant divine liqueur Qui est dans tes flancs reclose Tient toute vérité enclose » A l’intérieur du flacon, il y a le vin. Lorsqu’il va retrouver la liberté, il va communiquer avec l’homme qui va goûter ce vin. Alors ce vin de Chinon est intéressant : goûté avec modération, il a des vertus médicinales. : « Plantes qui ne soit plus excellente que le noble plant de vigne, D’où ce bon vin éclairé provient, Et il y a chez l’apothicaire de drogue que je prise mieux, Que ce bon vin qui me fait le sang bon et l’esprit joyeux. »
K. :Quel est l’impact de votre confrérie sur le plan national et international ? J. M. : Notre confrérie a un impact très important sur le plan national et international. Nous avons énormément de contacts. Les vignerons de Chinon font connaître leur vin en France et à l’étranger et ils font connaître aussi le pays où le Cabernet Franc est né. Les cérémonies rituelles nous en faisons 50 à 60 par an et on reçoit des gens de grande qualité ; Rabelais dirait « de grande sapience », des gens qui viennent ici pour faire fi de choses terrestres et élever leur esprit en recherchant la vérité. On dit qu’un vin est vérité cachée. Donc, nous associons dans toutes nos manifestations le vin, c’est incontournable, mais nous buvons avec tout le respect qu’on lui doit. Mais vous avez que le message de Rabelais était un message à double sens, un message caché. Et pour bien le comprendre il fallait savoir rompre l’os pour en extraire la substantifique moelle. Rabelais était un disciple de Platon et il prenait l’exemple d’un chien. Le chien auquel on donne un os, il le regarde, il le renifle et essaye de le prendre dans sa gueule et puis le repose et puis il reprend et il le broie et cela pour en extraire la « substantifique moelle ». Et c’est notre message, le message que nous essayons de transmettre.
K. :Pourriez-vous nous parler de vos réunions ? J. M. : Le premier chapitre est celui de la Saint-Vincent, le patron des vignerons, au mois de janvier, ensuite c’est celui de la fleur de la vigne qui est quelque chose de magique. Si on veut la vivre intensément il faut se lever très tôt et il faut y aller au mois de juin lorsque la vigne va fleurir et vous choisissez un lieu d’exception, par exemple une vigne qui est adossée à une forêt et là vous installez tranquillement, vous pouvez vous déchausser, vous êtes en contact avec la terre et vous faites le vide autour de vous et a un moment donné vous sentez venir vers vous un parfum extraordinaire, un parfum extraordinaire ça peut être un parfum de réséda, de lilas, quelque choses de très subtil et c’est à ce moment là que la fécondation de la vigne va se faire. Cette floraison est accompagnée par le chant des oiseaux. Cent jours après la fleur, le stade de maturation est atteint.
K. :Produisez-vous aussi des revues, des documents relatifs à vos activités ? J. M. : On produit La purée septembrale une fois par an, qui donne des nouvelles de nos associations. Nous avons des bailliages en Allemagne, des associations qui dépendent de nous et qui diffusent en Allemagne cet art de vivre qui est le nôtre et dont nous sommes fiers. Nous pensons que la vie est importante et qu’il faut la vivre le plus joyeusement possible en respectant certaines pratiques incontournables comme par exemple la tolérance.
K. :Pour entrer dans la confrérie qu’est-ce qu’il faut faire ? J. M. : On y entre par cooptation. Il y a une période probatoire qui dure un an ou deux pendant lesquels les gens qui veulent s’engager chez nous sont chevaliers servants, c’est-à-dire qu’ils apprennent le rituel de notre confrérie.
K. :Quel est le profil sociologique, les parcours des confrères ? J. M. : Il y a d’abord les vignerons, les amoureux de la vigne et du vin et puis aussi des amis plus littéraires qui aiment le vin et qui connaissent aussi l’histoire et le message de Rabelais.
K. :Est-ce qu’il y a aussi des femmes qui participent et qui s’intéressent ? J. M. : Non, il n’y a pas des femmes, car c’est la tradition. Mais il y a des dames qui sont intronisées. Les personnes intronisées sont des chevaliers de la confrérie.
K. :Est-ce que vous avez des relations avec d’autres confréries. Avez-vous des échanges au niveau européen ? J. M. : Nous avons des délégations en Allemagne en particulier. Ils peuvent faire des chapitres et d’autres manifestations culturelles. Ils viennent à Chinon et nous les recevons. De même ils nous reçoivent chez eux. On reçoit aussi des Chinois, des Japonais et on fait des chapitres en anglais.
K. :A propos de vos costumes ? Ont-ils des significations particulières ? J. M. : Le costume est une création de la confrérie. C’était la tenue des docteurs qui se portait à l’époque de Rabelais.
K. :Conclusion ? J. M. : Pour conclure sur ce message sur la relation entre Rabelais, la vigne, le vin, la terre et l’homme : mon grand père me disait : « Bois du vin ! Du vin de feu ! Du vin qui rit ! Du vin qui chante ! Et d’un cep merveilleux enlace ton esprit ! Car cette terre, d’où cette vigne s’élance, Un jour, elle t’engloutira dans l’éternel silence ! Alors bois du vin rouge ou blanc ! Sa vivante couleur Te mettra dans le sang la magique chaleur Qui fait monter l’amour à ton cœur solitaire ! Bois du vin pétillant qui fait bondir ton verre ! Et quand l’automne d’or, sur le jardin pâli, Tend son brocart divin dans le soir qui se prolonge, Bois le vin du désir et bois le vin du songe ! » Et là c’est toujours une belle occasion de partager ensemble, sous le signe de Rabelais, le vin de l’amitié et de la fraternité. Au cours de nos chapitres, nous saluons d’abord les invités, et puis la confrérie « déclare ouvert ce chapitre exceptionnel en ce vrai pays de Rabelais qui le vit naître… » Nous adaptons les textes de Rabelais concernant le vin et nous les lisons.
Ecoutez les extraits de l'entretien colorés en bleu :
Activité réalisée pendant la semaine de l'UNESCO par le Laboratrio del Cittadino (Italie) : lien direct ou diaporama ci-dessous